Les maurrassiens ont coutume de citer cet aphorisme emprunté au vieux maître : « Tout désespoir en politique est une sottise absolue. » Cette maxime, maintes fois ânonnée et assenée, se trouve tout aussi souvent rabattue sur la seule vertu de son évidence axiomatique. L’optimisme rayonnant qu’une telle sentence semble dégager s’apparente, assez souvent, à une niaise incantation destinée à conjurer ou à exorciser les improbables imprécations de fantasmagoriques mauvais démons jetant la foudre, le feu et les plaies d’Égypte sur la terra politica.
Qu’il nous soit permis, toutefois, d’aller à l’encontre de cette fausse évidence, tant, précisément, elle nous est toujours apparue intuitivement comme l’exemple même du raisonnement faux, sinon mensonger, car heurtant l’entendement.
S’il convient de ne pas imputer au Martégal l’entière responsabilité d’un usage incompris de son célèbre aphorisme, encore est-ce à la suprême condition d’en peser les termes avec exactitude. Ainsi, désespérer de la politique comme noble souci (aurait dit Pierre Boutang) du bien commun est un non-sens – une véritable sottise –, quand douter de la capacité des hommes politiques à conserver ce même bien commun relève d’une saine attitude, certes pessimiste, mais profondément ancrée dans la réalité.
Le cataclysme nucléaire de la « re(dé)composition » macronienne du paysage politique qui a vu dernièrement – après l’explosion en plein vol du Parti socialiste lors de la présidentielle de 2017 – la conflagration du parti Les Républicains a suscité – et continue de générer – une pléthore de commentaires d’où affleure – surtout sur la rive droite de l’échiquier – le fol espoir d’un Grand Soir extatique, enfin à portée de fusil, de « l’union des droites », ce mantra qui fait sortir du bois tous les loups politiques, de Marion maréchal aux caciques du Rassemblement national.
Dans une récente chronique publiée sur ce site, Xavier Jésu, membre du Conseil national des Républicains, considérait qu’il fallait « dominer intellectuellement » la Macronie totale et en appelait à « la droite la plus intelligente du monde » (2 juin).
Si, en effet, l’intelligence, soutenue par un authentique regard historico-anthropologique, a toujours fait intellectuellement défaut à une droite qui a sabordé son ontologie conservatrice en se déportant progressivement vers le gauchisme progressiste, sociétal, inclusif et cosmopolite, il lui manque une autre vertu, non moins essentielle en politique, dont la carence fait depuis quarante ans sa honte structurelle : le courage.
La veulerie de la droite française est le corollaire métonymique de son consternant crétinisme. Droite et gauche ont trahi uniment peuple et nation pour se rallier au « Divin Marché » dont le parasitisme prébendier et le clientélisme électoral sont, sans nul doute, les plus insupportables déclinaisons individuelles. Le fumier sur lequel éclot le dégoût populaire de la politique arrosé au glyphosate de l’abstentionnisme.
Or, ceux qui prêchent pour l’union des droites s’en tiennent aux seuls types familiers mais étriqués des partis et micro-partis se réclamant de la droite prétendument pure, tout en jetant un voile d’ignorance sur la figure matricielle (au sens d’Ernst Jünger) de ce que doit être la droite (donc la France), indépendamment de tout égotisme et foin du narcissisme nombriliste qui caractérise à peu près tous les leaders « droitards ».
Il y a donc raisonnablement lieu d’être politiquement pessimiste (au sens de Schopenhauer) et de ne pas croire que l’hirondelle de l’effondrement de la droite de gouvernement fera le printemps de la droite nationale…
Aristide Leucate
Source : http://bvoltaire.fr
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