Manger de la viande française pour soutenir nos jeunes éleveurs

17 Mai 2016 | Revue-de-Presse | 0 commentaires

Il devient urgent que le consommateur se comporte en citoyen au moment de l’achat pour que les troupeaux de vaches bien nées, bien élevées et bien abattues demeurent dans le paysage géographique, économique et social français – SIPA

Va-t-on laisser notre agriculture paysanne disparaître, alors qu’il suffirait d’un simple sursaut de la part du consommateur pour que les choses changent ? Si les expériences concluantes se multiplient, il est un nombre croissant de territoires où la situation s’aggrave de façon désespérée. Certes, les prises de conscience font leur chemin, certes, des systèmes de production sains et durables se mettent en place, certes, les pouvoirs publics et les institutions accompagnent parfois de justes initiatives, mais, dans l’ensemble, les phénomènes destructeurs continuent à dominer le marché.

La grande distribution qui étrangle les producteurs, l’industrie agroalimentaire qui importe du minerai de viande de l’étranger, les fast-foods qui prétendent se fournir en France alors que c’est un leurre, les cantines scolaires et la restauration collective qui servent de la volaille de batterie asiatique et la clientèle qui ne prend même pas la peine de regarder la provenance de son bifteck (mais seulement son prix) sont les complices de la tragédie qu’est en train de vivre l’élevage français. Aujourd’hui, des dizaines de milliers d’exploitations sont menacées de disparition parce que ceux qui savent et peuvent agir ne font rien. Si nous n’avons rien à attendre des satrapes de la malbouffe industrielle, les pouvoirs locaux et les citoyens responsables peuvent, eux, actionner des leviers. Une situation d’autant plus révoltante qu’il est, partout en France, des énergies et des volontés qui ne s’avouent pas vaincues et entendent relever le défi.

Il fallait être présent au congrès annuel des Jeunes Agriculteurs de la Nièvre, le 22 avril à Saint-Saulge, entre Nevers et Château-Chinon, au pied du Morvan, pour comprendre que quelque chose bouge dans ce pays. Ainsi, au cœur d’une ruralité bocageuse et préservée, terre d’élevage réputée pour ses pâturages, mais marquée par la récession agricole, la désertification des campagnes, la mort du petit commerce (tué par les grandes surfaces et Internet) et la lente extinction des villages, de jeunes paysans, bien décidés à perpétuer ou à reprendre l’exploitation familiale, se rassemblent pour agir de façon collective et faire face. Saisis par une passion commune, ils se battent, ici dans la Nièvre, comme ailleurs, pour que leurs troupeaux demeurent dans le paysage géographique, économique et social de leur département. Et, si le tableau est peu réjouissant pour un territoire frappé par les trahisons et les mensonges de la mauvaise croissance et du dogme européiste, la terre nivernaise, dotée d’un immense potentiel, reste porteuse d’espoir. Un espoir que la jeunesse agricole saisit à bras-le-corps pour que les Français puissent encore consommer de la viande française, issue de vaches bien nées, bien élevées, bien abattues, accessible en prix. Encore faut-il que, face à cette offre méritante et courageuse, se présente une demande lucide et cohérente. Partout où il existe des élevages impliqués dans cette exigence, cette viande est disponible dans le commerce.

Dévotion à notre patrimoine alimentaire
IL Y A, DANS L’ENGAGEMENT DE CES PAYSANS, UNE SORTE DE SACRIFICE QUI INTERPELLE LA NATION.

Et pas seulement chez l’artisan boucher de proximité, mais aussi dans ces grandes surfaces dont les patrons ont compris qu’ils devaient travailler avec les abattoirs et les producteurs locaux. Il suffit de regarder les étiquettes ou de se renseigner auprès du chef du rayon boucherie, pour accéder à des produits qui maintiennent une agriculture profitant à l’environnement et à l’homme. Ces paysans et paysannes ne se dévouent pas que pour gagner leur vie, il y a dans leur engagement, qui ne compte ni le temps, ni les moyens, une sorte de sacrifice qui interpelle la nation tout entière. Ils ont pour prénom Alexandre, Clément, Benoît, Emilie, Jean-Charles, Bertrand, Vivien, Thomas ou Jacques-Antoine. Travailler comme des forcenés, souvent dans la souffrance, pour gagner peu, qui plus est avec des aides publiques, alors que leur honneur leur dicte de vivre du revenu de leur labeur, ne pas avoir la reconnaissance de ceux qu’ils nourrissent peut avoir quelque chose de déprimant, de révoltant. Et pourtant, ils persistent, dès l’âge de 25 ans, à conduire le troupeau, soigner le bétail, cultiver les sols, vendre leur production, obéir aux consignes, respecter les normes, remplir les dossiers et gérer la paperasse fiscale, sanitaire et sociale, sous laquelle les noient Paris et Bruxelles. Parler d’héroïsme n’est pas déplacé. Leurs compatriotes peuvent-ils, alors, au moins saluer cette dévotion à nos paysages, à nos campagnes, à nos terroirs, à nos cheptels, à notre patrimoine alimentaire, en privilégiant les produits de l’agriculture française de qualité ? Au moment de passer à l’acte d’achat, il devient urgent que le consommateur se comporte en citoyen et, avec un budget de 18 €, n’achète pas six fois une viande à 3 € de provenance douteuse, mais trois fois un joli morceau à 6 € qui lui fasse du bien tout en permettant à l’éleveur de gagner sa vie. Sans dépenser un centime de plus, faire que tout le monde puisse vivre mieux. L’équation mérite réflexion et nos éleveurs, cette solidarité.


source Marianne-14 mai 2016

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