Dans une tribune publiée sur le site du « Monde » et de France Inter, les juges des enfants du Tribunal de grande instance de Bobigny alertent sur la « forte dégradation des dispositifs de protection de l’enfance en Seine-Saint-Denis. »
Signée notamment par le président du tribunal pour enfant, Thierry Baranger, la tribune se veut être une « alerte », un « appel au secours ». « Juges des mineurs délinquants, nous sommes, aussi, juges des mineurs en danger », disent-ils.
Ils pointent des délais de prise en charge « inacceptables » des mesures d’assistances éducatives lors de séparation avec la famille, exercées pour les plupart par le secteur associatif habilité. « Il s’écoule jusqu’à dix-huit mois entre l’audience au cours de laquelle la décision est prononcée par le juge pour enfants et l’affectation du suivi à un éducateur », assurent-ils. En cause : « Un manque flagrant de personnel, lié aux restrictions budgétaires, dans un contexte où la dégradation des conditions de travail éducatif et social en Seine-Saint-Denis rend plus difficile les recrutements. »
Ils dénoncent également le sous-effectif des éducateurs du Conseil départemental qui ne parviennent plus à assurer correctement leurs missions, parmi lesquelles, essentielles, d’accompagner des enfants placés et de leurs familles, de prendre en charge des traumatismes, d’évaluer des situations signalées par les écoles et les assistantes sociales.
« Le repérage et l’analyse des dangers auxquels sont confrontés les enfants du département deviennent de plus en plus difficiles. En Seine-Saint-Denis, des mineurs en détresse ne peuvent ainsi plus recevoir l’aide dont ils ont besoin, faute de moyens financiers alloués à la protection de l’enfance par le Conseil départemental, tributaire en partie des dotations de l’Etat. »
Ils dénoncent le nombre insuffisant de greffiers au Tribunal pour enfants de Bobigny. « Leur absence aux audiences en assistance éducative, pourtant illégale, est à présent la norme », assurent-ils encore. « Les jugements pénaux sont, quant à eux, notifiés dans des délais (environ un an) qui leur ôtent véritablement tout sens, dans un département où les actes de délinquance sont nombreux. »
« Nous sommes devenus les juges de mesures fictives »
Ils concluent :
« Nous sommes devenus les juges de mesures fictives, alors que les enjeux sont cruciaux pour la société de demain : des enfants mal protégés, ce seront davantage d’adultes vulnérables, de drames humains, de personnes sans abri et dans l’incapacité de travailler. Ce seront davantage de coûts sociaux, de prises en charge en psychiatrie, de majeurs à protéger et, ce n’est plus à prouver, davantage de passages à l’acte criminel. Le meilleur rempart à la violence extrême, sous toutes ses formes, y compris la violence terroriste, est, nous en sommes convaincus, une politique efficace de détection des violences précoces et de protection des enfants qui en sont les victimes. »
Invité à répondre à cette tribune sur France Inter, la ministre de la Justice, Nicole Belloubet, si elle dit comprendre cette situation, renvoie à la responsabilité du département : « C’est très grave mais c’est une politique qui appartient au département que d’exécuter la mise en œuvre de ces décisions de justice », a-t-elle expliqué.
« Je ne nie pas la responsabilité de l’Etat […] C’est une autre question que de savoir comment est-ce que l’Etat peut appuyer des départements comme ceux de la Seine-Saint-Denis qui ont a faire face, parce qu’il faut le reconnaître, à une arrivée massive, soit de mineurs non accompagnés, des mineurs étrangers, soit qui ont à faire face à des situations humaines, sociales, qui sont difficiles. »
Source: nouvelobs.com
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