Paris a nettement restreint le nombre de visas accordés aux familles appartenant aux minorités religieuses irakiennes. Une politique contraire aux engagements affichés par le ministère de l’Intérieur français.
Les familles des minorités religieuses d’Irak – chrétiennes ou yazidies – qui souhaitent venir en France ne le peuvent plus, faute de visas, qu’elles n’obtiennent qu’au compte-gouttes, contrairement aux engagements pris par la France. D’où l’appel collectif, lancé le 18 mars, par l’Assemblée des évêques de France, réunie à Lourdes: «Nous manifestons notre vive inquiétude face aux lenteurs et aux difficultés d’obtention de visas pour la France pour les réfugiés et les déplacés à Erbil en Irak. Aux autorités publiques françaises et internationales, nous demandons de ne pas relâcher leurs efforts pour aider les minorités vulnérables, comme les yazidis et les chrétiens.»
Renouvelant à cette occasion leur solidarité avec «les familles brisés, les enfants déscolarisés», en particulier avec les «chrétiens chassés de Mossoul et de la plaine de Ninive en Irak», les évêques ont également annoncé un voyage prochain «au Kurdistan» de Mgr Pontier, président de la conférence épiscopale «pour signifier concrètement le soutien de l’Église de France à nos frères d’Orient».
«Pour des raisons politiques, les autorités de l’État n’ont pas actuellement envie d’ouvrir les frontières
Si 3250 Irakiens – originaires de toutes les minorités religieuses – ont en effet été accueillis depuis septembre 2014 en France, le flux s’est fortement tari ces derniers mois. Un chiffre circule dans les associations: entre janvier-février 2015 et janvier-février 2016, le nombre de visas accordés par la France serait passé de 300 à 84. Soit une chute du flux de 72 %, alors que la demande, côté irakien, continue de croître.
Plusieurs raisons peuvent expliquer ce frein: le consulat général de Badgad et celui d’Erbil au Kurdistan irakien connaissent un engorgement administratif. Autre explication: «Pour des raisons politiques, les autorités de l’État n’ont pas actuellement envie d’ouvrir les frontières», explique Jean Fontanieu, secrétaire général de la Fédération d’entraide protestante de France. Ce responsable des œuvres sociales et caritatives protestantes estime que «plusieurs centaines de demandes de visas en provenance d’Irak sont en attente et n’aboutissent pas». Une situation d’autant plus regrettable à ses yeux que «des centaines de logements les attendent». Ils sont proposés par des personnes privées, dont certains sont allés jusqu’à «louer des appartements pour les proposer à des réfugiés».
Le «compte-gouttes» des admissions est confirmé par Patrick Karam, fondateur de la Coordination Chrétiens d’Orient en danger (Chredo). Même s’il reconnaît que «l’intégration des chrétiens d’orient reste compliquée» pour des raisons essentiellement culturelles, il estime que «le gouvernement socialiste veille à ne pas se laisser déborder par son aile gauche, qui récuse toute priorité à leur donner et que la seule mention de chrétiens révulse». Et dénonce ce risque: «Les critères dissuasifs poussent désormais la majorité des candidats à l’exil dans les bras des filières clandestines et mafieuses qui prospèrent sur leur malheur.» Trois conditions draconiennes La procédure administrative qui avait été choisie pour filtrer les demandes de visa après les annonces de la fin de l’été 2014 de Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur, et de Laurent Fabius, alors ministre des Affaires étrangères, étaient effectivement très restrictives. Les demandeurs issus des minorités religieuses devaient commencer par un «visa pour asile», pour ensuite obtenir un statut de réfugié une fois en France. Mais cette procédure posait trois conditions draconiennes: que la famille en question soit en situation de vulnérabilité, qu’elle prouve un lien avec la France, qu’elle fasse également la preuve qu’elle dispose d’un logement à son arrivée. Trois conditions qui ne semblent pas exigées pour d’autres situations de demandes d’asile en France, assure une source bien informée.
Alerté de cette contradiction entre la générosité des annonces de la France et la réalité par les sénateurs, en octobre 2015, Bernard Cazeneuve s’était engagé devant eux à régler cette question. Mais «rien n’a bougé», notent les associations, qui viennent une nouvelle fois de le constater lors d’une récente réunion au ministère des Affaires étrangères. D’où l’appel et la pression des évêques catholiques, bien informés du dossier.
Interrogé sur cette situation par Le Figaro, le ministère de l’Intérieur répond qu’à côté des «3250 visas d’asile» pour les minorités religieuses d’Irak, «des chrétiens d’Orient figurent parmi les 6000 visas d’asile accordés à des réfugiés syriens, même s’ils ne sont pas spécifiquement comptabilisés».
Le ministère de l’Intérieur ajoute qu’un préfet «spécialement chargé de la mission d’organiser l’accueil des chrétiens d’Orient en France» est à l’œuvre. Quant à «la hausse très sensible des demandes de visas, notamment auprès des consulats de Bagdad et d’Erbil» observée ces dernières semaines, le ministère de l’Intérieur assure qu’il est «parfaitement conscient de cette situation» et qu’il travaille actuellement avec le ministère des Affaires étrangères «pour trouver des solutions à cette saturation». source Le Figaro.fr
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