Les victimes avaient été transportées vers les camps de la mort par la SNCF pendant la seconde guerre mondiale. Derrière la réparation symbolique se cache un enjeu financier de taille pour l’entreprise aux États-Unis.
L’État français va verser 60 millions de dollars aux victimes américaines transportées par les trains de la SNCF vers les camps de la mort durant la Seconde Guerre mondiale, selon les termes d’un accord passé avec Washington. Les négociations, entamées en février dernier ont abouti à cet accord qui sera signé lundi.
«Ça concerne des centaines de survivants, des conjoints, enfants et héritiers» a déclaré Patrizianna Sparacino ambassadrice pour les droits de l’Homme, chargée de la dimension internationale de la Shoah. «Pour l’instant, l’objectif, c’est que les déportés survivants touchent environ 100.000 dollars». Le fonds sera alimenté par Paris tandis que Washington assurera la répartition.
Les mesures d’indemnisation concernent tous les non-Français – dont beaucoup d’Américains et quelques Israéliens, qui se trouvaient en France entre 1942 et 1944 et qui ont été déportés par bus et par train – mais qui ne remplissaient pas les critères français de réparation. Soit parce qu’ils avaient émigré, soit parce qu’ils étaient arrivés sur le sol français après le 1er septembre 1939.
«La SNCF n’a jamais été tenue pour responsable de la déportation. Elle a été un instrument de la déportation. (…) c’est de la responsabilité des autorités françaises» d’en assumer les conséquences, a rappelé la diplomate française. Par conséquent l’entreprise publique SNCF «n’est pas partie dans les discussions (ni) dans la mise en oeuvre» de l’accord.
Des contrats en jeu
Derrière la réparation symbolique se cache pourtant un enjeu financier de taille pour la SNCF. En échange de ces millions consentis, ce sont des milliards de dollars de contrats que pourrait toucher l’entreprise ferroviaire sur le sol américain. Depuis de nombreuses années, des élus américains s’opposent en effet à ce que la SNCF gagne des appels d’offres sur leur territoire, tant que celle-ci n’a pas indemnisé les victimes et descendants de victimes de l’Holocauste.
En 2011, la SNCF avait reconnu avoir été un «rouage de la machine nazie d’extermination». Son directeur, Guillaume Pépy avait exprimé sa «profonde peine». 70 ans après les faits. Mais le mea culpa de l’entreprise n’avait pas suffi: «Ce n’est pas une demande de pardon, ce ne sont pas des excuses complètes», avait ainsi affirmé Rositta Kenigsberg, vice-présidente de l’Holocaust Documentation and Education Center, près de Miami, alors que la SNCF entendait répondre à un appel d’offre dans l’État de Floride.
Réquisitionnée par l’État de Vichy
En avril dernier, deux élus du Maryland avaient déposé un projet de résolution interdisant l’accès de la compagnie ferroviaire française aux marchés publics tant qu’elle n’aurait pas versé d’indemnités pour son rôle joué dans la déportation des Juifs. Après l’annonce de négociations en février dernier, l’Etat du Maryland avait renoncé à demander à la SNCF d’indemniser les victimes, ce qui a permis à l’opérateur français de postuler à la construction et l’exploitation de la «Purple line», une ligne ferroviaire de 25 kilomètres pour un contrat de 4,5 milliards d’euros.
En contrepartie de l’accord, les Etats-Unis se sont donc engagés à défendre l’immunité de juridiction dont bénéficient les entreprises étrangères sur leur sol, qui les protège de toute poursuite judiciaire ou de toutes autres formes d’action. Un sénateur avait demandé en 2013 au Congrès de réformer cette loi pour pouvoir traduire la SNCF devant les tribunaux américains.
Jusqu’à présent, la SNCF avait refusé toute indemnisation systématique des survivants et familles d’anciens déportés. Réquisitionnée par l’État français de Vichy, la SNCF a déporté 76.000 juifs de France dans des wagons de marchandises à travers le pays et vers les camps d’extermination entre 1942 et 1944.
source : lefigaro.fr
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