Portrait de Marwan Muhammad, directeur du Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF), présenté comme une « figure montante de la communauté musulmane » et « porte-voix combatif des musulmans ».
Brillant matheux, il se casse pourtant les dents sur le concours de médecine. « Ça m’a rincé, c’était la première fois que je ratais quelque chose, analyse-t-il. Mais ça m’a beaucoup appris sur la reproduction des élites et la machine à exclusion sociale par la sélection. »
Depuis son retour au CCIF comme directeur, en mars, après une parenthèse de deux ans au Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme de l’OSCE, à Varsovie, Marwan Muhammad est devenu, à 38 ans, l’une des figures musulmanes les plus visibles. Un orateur que l’on se dispute, capable de mobiliser. «C’est un leader qui émerge, confirme son presque homonyme Marwan Mohammed, sociologue et coauteur de Islamophobie (La Découverte, 2013). Il prend peu à peu la place de leadership de [l’islamologue] Tariq Ramadan. »
A son tour, il laboure le terrain, enchaîne les conférences, participe au camp d’été décolonial réservé aux « personnes subissant le racisme d’Etat en contexte français », excluant de facto les Blancs, s’efforce de structurer les antennes régionales du CCIF, organise des séminaires « d’autodéfense intellectuelle », comme ce samedi à Strasbourg, avec trois cents inscrits. […]
Il ne faut pas compter sur lui pour demander aux musulmans de se couler bouche cousue dans une société qui les accueille si difficilement. «Le discours politique s’adresse aux musulmans comme s’ils étaient à la frontière, en leur disant : si tu veux venir en France, c’est comme ça que ça se passe. Sauf que nous sommes nés ici et que nous définissons l’identité française, comme n’importe qui d’autre. Cette identité n’est ni monolithique, ni figée. Pourtant, on nous nie le droit d’en faire partie. Or l’islam est une religion française, le foulard fait partie des tenues françaises et Mohammed est un prénom français.» […]
Début octobre, dans un face à face musclé avec Jean-François Copé, à Sciences Po, sans craindre un amalgame plus que douteux, il a ainsi refusé de se prononcer sur la polygamie :
« Je ne condamne pas les choix des uns et des autres d’être homosexuels ou d’être polygames, ça ne m’intéresse pas.»
En revanche, il s’exprime volontiers sur d’autres sujets. En «citoyen lambda», il a exposé le 16 octobre, dans un article à Mediapart, «cinq leviers pour (vraiment) changer la France», de la diplomatie à la politique économique. Entre les deux tours des élections régionales de 2015, il avait été à l’origine d’une campagne sur Twitter, #LeCopainPS, qui ressemblait fortement à une consigne de ne pas voter socialiste. Du côté gouvernemental, on lui rend bien cette méfiance. « Le CCIF a un agenda caché, assure Gilles Clavreul, proche de Manuel Valls. Il dit aux jeunes : regardez ce que le système a fait de vous. Il participe à la structuration de conflits. »
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