Après des mois d’alerte de la part de la Ville de Paris et des associations, Gérard Collomb a décidé d’agir et de mettre fin aux campements insalubres de migrants dans la capitale – mais à sa façon.
Le ministre de l’Intérieur a annoncé l’organisation, « à bref délai », d’une évacuation des plus de 2.300 migrants logeant à Paris. Il a demandé au Préfet de police de mettre en place une opération conciliant « mise à l’abri » et « contrôles administratifs ».
Au passage, il tacle la maire de Paris indiquant que « cette situation se répétera indéfiniment si des mesures ne sont pas prises par les autorités locales pour éviter que les campements ne se reconstituent ». Une déclaration qui ne risque pas de calmer les tensions entre les deux personnalités politiques. Car cela fait des mois qu’Anne Hidalgo et Gérard Collomb s’écharpent sur le sujet.
Quand Etat et Ville se renvoyaient la balle
Au mois de mars, la maire de Paris avait lancé les hostilités. L’objet du conflit : deux campements qui grossissaient dans le nord-est de la ville – et grossissent encore, rien qu’aux bords du canal Saint-Martin, plus d’un millier de tentes ont poussé. Dans une lettre adressée au ministre et datée du 27 mars, elle lui intimait de mettre à l’abri ces personnes en grande précarité. L’édile dénonçait notamment « la densité des campements et « l’étroitesse de certains passages entre les tentes et les canaux, parfois réduite à 50 centimètres », conduisant d’office à « des risques très significatifs de noyade ». Une crainte qui s’était malheureusement avérée juste. Début mai, à seulement trois jours d’intervalle, deux migrants étaient retrouvés noyés dans le canal.
Mais pour Gérard Collomb, ce n’est pas l’Etat qui est responsable. « La commune reste garante de la salubrité et la propreté de son espace », lui avait-il répondu à l’époque. Il demandait alors à la maire de faire usage de ses « compétences » et « d’entamer les procédures judiciaires » pour permettre à l’Etat de « mener à bien » l’évacuation. En clair, une fin de non-recevoir.
Anne Hidalgo, face à cette « impasse », s’était alors tournée vers l’échelon supérieur : le Premier ministre. « Il ne s’agit pas pour la Ville de demander l’expulsion » indiquait-elle mais « pour l’État de prendre en charge » ces personnes en grande détresse, la gestion des migrants étant une de ses prérogatives. Elle notait au passage que depuis 2015, l’Etat s’était associé aux associations près d’une trentaine de fois à cette fin, sans que cela ne créé de problèmes.
La méthode ne lui semblait pas non plus la bonne. A l’expulsion évoquée, la maire de Paris répondait plutôt « mise à l’abri ». « Ce qui nous est proposé, à savoir saisir la justice pour qu’il y ait une opération de police, d’évacuation, de dispersion n’est pas réaliste », affirmait-elle lors d’un déplacement au campement situé aux abords du canal Saint Martin – dit du Millénaire du nom du centre commercial éponyme. Si les forces de l’ordre intervenaient pour « faire monter dans des bus » les migrants, « vraisemblablement vers des lieux qui peuvent être des centres de rétention », elle craignait « un certain nombre de difficultés voire de violences ». « On court à la catastrophe » estimait-elle. Si on ne passe par une mise à l’abri, il serait « irresponsable et totalement inefficace de procéder juste à une intervention policière de dispersion ».
Avant ce mercredi, l’Etat n’avait pas donné suite. Selon certaines sources, Gérard Collomb se faisait un malin plaisir de laisser « mariner » Anne Hidalgo, maire socialiste, à deux ans des municipales, un enjeu crucial pour la République en Marche.
Ce mercredi, le ministre a finalement décidé d’agir mais son discours reste aussi inflexible. Gérard Collomb « prend note du refus de la ville de demander l’évacuation de son domaine public, ce qu’il regrette », indique le ministère de l’Intérieur dans un communiqué. Il a par conséquent demandé au Préfet de police « de pallier cette carence en vue de procéder à l’opération », qui devra concilier « les exigences de la mise à l’abri et de l’application du droit des étrangers ». En clair, il souhaite « faire respecter la loi républicaine en matière d’asile et d’immigration » c’est-à-dire : signifie « pouvoir accueillir celles et ceux qui peuvent bénéficier de la protection » de la France mais aussi « éloigner ceux qui n’ont pas vocation à rester sur le territoire national », et dans cette optique « un certain nombre de contrôles administratifs » auront lieu à l’occasion de l’opération, avertit le ministère.
Selon lui, la Ville reste la fautive car il juge son effort en matière d’hébergement insuffisant : il affirme que « 40% de la demande d’asile française » se porte sur l’île-de-France, mais que Paris ne compte « que 2% des places d’hébergement pour demandeurs d’asile ». On attend maintenant la réplique adverse…
source: LCI.fr
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