Dans une lettre de cinq pages, Eric Dillies livre ses quatre vérités à Marine Le Pen et sur la situation du Front national.
Malgré lui, le général Pierre de Villiers se retrouve dans la mêlée frontiste. Plus particulièrement, une citation de son livre, sobrement titré « Servir », publié quelques mois après sa démission fracassante du poste de chef d’état-major des armées :
« La vraie loyauté consiste à dire la vérité à son chef. »
C’est ainsi qu’Eric Dillies, le patron du FN à Lille, se justifie, dans la longue lettre qu’il a envoyée, mercredi 22 novembre, à Marine Le Pen. Il tente, à nouveau, d’être candidat à la présidence du parti d’extrême droite, lors du congrès qui doit se tenir en mars à Lille, justement. Une lettre, que « l’Obs » publie dans son intégralité plus bas, dans laquelle l’élu régional FN livre ses quatre vérités sur la situation de la formation lépéniste.
« Nous n’avons eu aucune réponse », assure un proche d’Eric Dillies à « l’Obs ». « Marine Le Pen est restée assise pendant quatre heures près d’Eric Dillies au conseil régional. Elle lui a à peine dit bonjour. Elle ne lui a adressé aucun regard alors que la lettre lui avait été envoyée hier », raconte ce proche, pointant le « mépris » de la présidente frontiste.
« Je ne peux pas forcer les candidats »
Dès les premières lignes, Eric Dillies rebondit sur la dernière prestation médiatique de sa présidente, le 19 novembre dernier, alors qu’elle assurait que tout allait bien au Front national, que Laurent Wauquiez devrait lui proposer une alliance, si il était « sincère ». Marine Le Pen assurait même :
« Les adhérents du FN, les cadres et les élus du FN disent qu’il faut continuer et ils veulent continuer avec moi. Le jour où il en sera autrement, permettez-moi de vous dire que j’accueillerai cette décision avec beaucoup de calme. »
Et de souligner : « Je ne peux pas forcer les candidats à se présenter s’ils n’ont pas le souhait de le faire, ou les secrétaires des départements à les parrainer s’ils n’ont pas non plus le souhait de le faire. »
ersonne n’a forcé Eric Dillies. Il avait souhaité le mois dernier se présenter à la présidence du FN au prochain congrès, mais il n’a pas fait acte officiel de candidature dans les délais prévus et le bureau politique du FN a exclu de modifier les règles en vigueur.
« Tout va si bien que… »
Alors Eric Dilles attaque :
« Tout va si bien que nos cadres nous quittent. Tout va si bien que les réadhésions sont en chute libre. Tout va si bien que nos électeurs ont de moins en moins envie de t’écouter lors de tes émissions.
Ce qui est navrant, c’est de faire comme si rien ne s’était passé. Comme si les 20 millions de Français qui ont regardé le débat de l’entre-deux-tours n’avaient
jamais existé. Comme si le débat lui-même n’avait jamais existé. »
« Pourquoi personne n’a osé se présenter au congrès ? », interroge-t-il. Le patron FN local explique alors que « l’élection est tellement verrouillée que personne n’a l’audace de s’y risquer sans penser qu’il en paiera tout le prix. »
« Quant aux parrainages par 20 secrétaires départementaux que tu as nommés, qui va croire qu’ils sont libres de leur décision ? C’est comme si on demandait aux préfets de parrainer les candidats qui se présentent en face du président de la République qui les a nommés. »
« Je sais que le message est rude »
Le conseiller régional FN évoque « les méthodes de management, toujours les mêmes, verticales, autoritaires, à sens unique du haut
vers le bas. » Et met à bas le questionnaire envoyé aux militants frontistes en prévision du Congrès :
« C’est pour cela que le questionnaire que tu imposes n’est pas un dialogue avec la base, mais un énième monologue avec tes ‘conseillers’. Quasiment toutes les questions sont fermées et n’autorisent qu’une réponse par ‘oui’ ou ‘non’. »
Eric Dillies tente encore une fois de justifier une deuxième candidature pour le congrès frontiste : « Plus que jamais, notre mouvement a besoin d’un débat ouvert, d’un dialogue libre et sans crainte, d’un échange loyal et sincère. La condition de cette sincérité, c’est la présence d’au moins deux candidats, et pourquoi pas trois ou quatre d’ailleurs. » Et d’asséner :
« C’est la chance pour toi de retrouver la confiance de nos militants et de nos adhérents. »
« Je sais que le message est rude, mais tu ne m’as guère laissé le choix », écrit l’élu frontiste qui fait valoir que « c’est le message d’un homme qui milite depuis plus de trente ans au Front National et à qui tu as demandé en 2007 de t’aider à reconstruire le mouvement. »
Les tensions frontistes
La lettre de cinq pages d’Eric Dillies illustre parfaitement les tensions qui secouent le Front national depuis l’élection présidentielle. En évoquant la chute des réadhésions, Eric Dillies confirme, à son échelle, ce que les proches de Florian Philippot, l’ancien bras-droit de Marine Le Pen, racontent : dans certaines fédérations, la chute de nombre d’adhérents avoisinerait les 30%, et dans d’autres, leur nombre stagnerait par rapport à l’année dernière.
La fuite des cadres frontistes a aussi été confirmée par plusieurs enquêtes, dont celle de « Libération » racontant une rupture qui se crée entre la direction et les élus locaux. Ou encore l’hémorragie : « Sur 1.581 conseillers municipaux portant l’étiquette FN au sortir des élections de mars 2014, 534 ont depuis cessé de siéger pour le parti d’extrême droite », expliquait « Libération ».
Enfin, Eric Dillies évoque l’audience plus que décevante de Marine Le Pen lors de son dernier passage à « l’Emission politique » de France 2. La présidente du FN n’avait réuni que 1,74 million de téléspectateurs sur le plateau de « l’Emission politique » (France 2). Il s’agit de la pire audience enregistrée par le programme depuis sa création il y a un peu plus d’un an.
endant la campagne présidentielle, lors de l’émission du 9 février dernier, Marine Le Pen avait rassemblé deux fois plus de téléspectateurs devant leur écran (3,48 millions de personnes), un record pour l’émission à l’époque. Nouvelle preuve que Marine Le Pen ne fait plus vendre, ni peur.
Paul Laubacher
Source: https://tempsreel.nouvelobs.com/politique/20171124.OBS7772/fn-la-lettre-au-vitriol-d-eric-dillies-l-homme-qui-voulait-affronter-marine-le-pen.html
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