Promouvoir un « islam à la française » est la quadrature du cercle républicain depuis que Nicolas Sarkozy a cru
devoir créer le Conseil français du culte musulman (CFCM), en 2002, alors qu’il était ministre de l’Intérieur, au terme
d’un processus décidé par ses prédécesseurs, Jean-Pierre Chevènement et Daniel Vaillant. Cet organisme, censé représenter
les musulmans de France auprès des pouvoirs publics, avait pour mission de former des imans « à la française
», tout à la fois dévots de Mahomet et des « valeurs de la République ».
Le fait qu’il faille susciter un tel organisme témoignait déjà qu’une partie des musulmans professaient des idées incompatibles avec notre droit et notre civilisation. Les gouvernements successifs auraient mieux fait de tendre à contenir cette poussée de l’islam plutôt que de l’organiser. Ces diverses tentatives furent autant d’échecs à cause des rivalités nationales, des tendances diverses de l’islam et puis, plus récemment, à cause d’Internet. C’est sur ce media que se « forment » les djihadistes qui ne veulent surtout pas, eux, d’un islam à la française.
Le problème reste toujours le même : comment former des imans dits « modérés » alors que le pouvoir laïc ne saurait dire quel est le bon islam ou quelle est la juste interprétation du coran ? Tout ce que le gouvernement peut faire pour interdire tel ou tel iman, c’est d’invoquer les risques pour l’ordre public et expulser les fauteurs de trouble, ce qu’il fait rarement. D’ailleurs, l’on ne peut expulser des religieux s’ils sont français.
Il semblerait que François Hollande ait trouvé une « solution » pour le moins paradoxale : sous-traiter la formation des imans à la française à l’étranger, en l’occurrence au Maroc, sous l’oeil vigilant du souverain Mohamed VI.
Ainsi c’est un roi – également « commandeur des croyants donc chef religieux – qui garantirait des prédicateurs conformes aux « valeurs de la République » et à sa laïcité ! C’est là un des accords conclus l’autre semaine lors de la visite officielle du président de la République dans le Royaume chérifien, accord passé inaperçu et pourtant pour le moins curieux.
« Une coopération avec le Maroc pourrait nous aider à développer un islam de France compatible avec les valeurs républicaines » a déclaré le chef de l’Etat français. Dans une déclaration commune, il est stipulé que cette formation devra promouvoir « un islam du juste milieu » conforme aux « valeurs d’ouverture et de tolérance » mais aussi « pleinement ancré dans les valeurs de la République et de la laïcité. »
Grâce à cet accord, négocié par le ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, le Maroc s’engage à former une cinquantaine d’imams par an ! Ils devront, en France, compléter leur formation par un module sur l’histoire, la laïcité, la sociologie religieuse, etc. Dispensé par des universités à Paris, Bordeaux, Strasbourg, Lille.
Autre mesure décidée par le ministère de l’Intérieur pour essayer d’avoir des aumôniers musulmans
« républicains » : les aumôniers salariés au sein des prisons, hôpitaux et armées devront obtenir un diplôme universitaire (DU) de formation civique et civile. Ce sera chose faite « dès 2016 », assure-t-on, place Beauvau.
Le problème, c’est cette précision : ce sera obligatoire « pour tous les cultes », y compris donc les aumôniers catholiques ! Ce qui sera à la fois une atteinte à la liberté religieuse et à la loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat qui prévoyait de telles aumôneries dans les lycées, les hôpitaux et les armées, leur désignation étant le fait des autorités religieuses sans que l’Etat pose ses conditions ni ne prévoit un diplôme spécifique. Il y a plus d’un siècle que cela se passe comme ça, il n’y avait aucune raison d’en changer si ce n’est pour assurer les musulmans qu’ils ne sont pas victimes d’une discrimination.
On aura reconnu-là, le processus qui, pour interdire le voile islamique à l’école, a en même temps banni la croix qui ne dérangeait personne. Mgr Olivier Ribadeau-Dumas, porte-parole des évêques de France, a ainsi commenté cette décision unilatérale du gouvernement : « Jusqu’à présent, jamais l’Etat ne s’était soucié de savoir quelle avait été la formation suivie par les aumôniers catholiques. On ne veut pas que cela devienne une entrave à leur recrutement. » A titre de concession, Bernard Cazeneuve, a accepté de ne pas exiger que les aumôniers catholiques (mais aussi protestants et juifs) aient tout de suite ce diplôme mais qu’ils s’engagent à le passer dans les deux ans.
Les prêtres catholiques ont au minimum une formation de six ans et beaucoup ont, en plus, une formation universitaire.
On va donc voir des prêtres de 50 ans ou 60 ans – l’âge moyen de ces aumôniers militaires (le plus jeune a 47 ans) – retourner sur les bancs de l’Université pour décrocher un certificat de bonne vie et moeurs républicaines !
La République, on le sait, prône l’égalité et, désormais, plus seulement entre citoyens mais aussi entre hétérosexuels
et homosexuels. Les aumôniers, au moment de leur examen pour obtenir leur diplôme, auront intérêt à ne pas contester le « mariage » gay si on les interroge là-dessus. Sinon, leur carrière pourrait être écourtée, le ministre leur refusant son agrément. Une fois de plus un dispositif prévu pour contrecarrer l’intégrisme musulman risque de se retourner contre les catholiques.
source : le bulletin d’André Noël bulletin andre noel 2439.pdf
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