Le billet de Franck Timmermans : Touchez pas au grisbi !

2 Juin 2019 | Connexion | 0 commentaires

CONNEXION. La lettre argumentaire PDF, rédigée par Jean-François Touzé et Franck Timmermans.
Cette supplique, tirée d’Albert Simonin et reprise par Audiard, aurait pu être lancée à Macron par les caciques des Républicains avant le scrutin présidentiel de 2017 et européen de 2019. Trop tard, Macron n’était pas un feu de paille comme Mattéo Renzi en Italie. Macron s’est installé dans le nid douillet du Système, il en croque et Macron continuera donc de laminer les héritiers de Chirac comme ceux de Mitterrand. Macron, c’est le « vampirisme organisateur ». Avec un phénomène mécanique étonnant : par un processus presque hydraulique, plus Macron siphonne les voix des LR, plus les notables chiraquiens commencent à paniquer pour leurs différents sièges, mais aussi plus le fameux plafond de verre que Marine Le Pen s’efforce de briser s’épaissit considérablement ! Ne vous fiez pas aux apparences, la Dame Le Pen a en effet depuis dimanche son rictus qui lui sert de sourire mais aussi de posture pour dissimuler une sourde inquiétude. Le score de sa liste est bon mais reste dans la fourchette des sondages, comme si depuis 2016, elle avait chaussé des semelles de plomb ! Comme si le RN avait un boulet aux pieds (ou à sa Présidence…) Bref, ça ne décolle pas, il n’y a pas de percée, et ce, malgré le gain important qu’elle attendait des gilets jaunes. La Présidente du RN se console en pensant qu’elle capitalise mais le doute s’installe. Le tsunami populiste attendu en Europe a été très inégal, et décevant dans les pays où elle l’attendait ; de plus, ses alliés se perdent en tractations et en dispersions ; elle ne domine pas la situation, Farage et Orban semblent insensibles à ses talents dévastateurs. Bref, la victoire supposée est amère d’autant qu’elle a le sentiment que le fameux plafond de verre s’est encore épaissi. Calculette à l’appui, la fonte des LR lui rapporte très peu de voix et elle cherche en vain sa réserve pour des élections à deux tours. Même Mélenchon à fondu, sans aucun bénéfice des gilets jaunes lui aussi, et Marine Le Pen a dragué pour rien ses électeurs. Tout cela est plus que décevant, très inquiétant pour la suite. Macron, lui, a réussi son OPA sur la classe politique française. Il s’est même payé le luxe d’arriver 2e derrière sa rivale lui laissant l’apparence du succès et le rôle d’un danger toujours imminent, cible parfaite pour faire peur aux bourgeois et aux modérés, et mieux les attirer. Le Pen a si bien rabattu pour Macron que c’est à nouveau le psychodrame aux LR. Bellamy, qui a fait pourtant une bonne campagne de terrain, et Wauquiez sont les cibles de tous les caciques qui ont l’habitude de savonner la planche de leur direction sans avoir d’ailleurs le moins du monde participé à ladite campagne. Et la Pécresse de ressortir le sésame absolu de la vie politique française, la solution miracle serait au Centre ! Ce Centre qu’on a fait fuir à cause d’une Droite trop dure (?), ce Centre qui est parti chez Macron etc., etc., et Pécresse de citer un Jean-Christophe Lagarde au bord de la rupture !!! On croit rêver d’autant que le Lagarde en question, avec ses 2,49 %, a bel et bien évité que Macron n’arrive en tête grâce aux 300 000 voix, au moins sur ses 566 000 obtenues, qui se seraient automatiquement agrégées sur LaRem. Le ralliement de Lagarde aux LR aurait fait « pschitt ». La réalité c’est que Macron a fait aux partis institutionnels, à une échelle plus modeste, ce que De Gaulle a fait au système des partis de la IVe République en 58, un coup de force ! Il a fait ce que Mitterrand avait également fait en 1971, en bousculant les lignes au détriment de la SFIO de Mollet et en prenant le contrôle du PS pour rassembler à l’époque toute la gauche face au gaullisme. Et quand Macron ressort le fameux anathème de Mitterrand en 1995 « Le Nationalisme c’est la guerre ! », il ne fait rien d’autre que de se poser en recours, en patron du Front républicain unifié, non pas face aux gaullistes mais à leur détriment et sous le pur prétexte de barrer la route au pseudo-danger fasciste. Tout cela relève évidemment de l’art de la comédie politique.   La leçon a été comprise par le seul qui soit à Droite en mesure de défier Jupiter, à savoir Gérard Larcher qui tient encore le bastion du Sénat. Il est le 2e personnage de l’État, il est aussi l’opposant le plus efficace sur le plan parlementaire. Il détient des réseaux nombreux dans les terroirs, les collectivités locales et régionales. Plus populaire que Pécresse, trop mijaurée et parisienne, et que Bertrand trop maçon et inconsistant, il pense de plus en plus être le seul capable de sauver le navire, ce qui passe par la case de l’élection présidentielle de 2022. Enfin, il est apprécié autant à Droite qu’au Centre. En 1969, mon premier meeting avec ma famille, il y a 50 ans, était pour Poher, l’imprévu Président du Sénat qui s’était invité dans la campagne électorale. Lâché par les giscardiens et par les socialistes (Mitterrand n’avait pu être candidat à cause du duo Deferre-Mendès France qui roulait pour la SFIO), il avait fait campagne seul contre tous, d’autant que le PC roulait en coulisses pour Pompidou. Son score avait été plus qu’honorable avec 42 % au 2e tour, au-delà du plafond de verre… Il le devait à sa bonhomie, sa simplicité et sa proximité avec les élus de province, à son côté IVe République qui tranchait avec les requins de la finance gaulliste. Cela contentait mes parents antigaullistes. L’histoire semble se répéter. Larcher sait aussi qu’un retour de Sarkozy serait catastrophique pour l’image des LR et que la seule façon d’extirper les Centristes de la force d’attraction élyséenne c’est d’incarner la force tranquille. Une sorte de Philippe Noiret://15  en surcharge pondérale est plus sympathique qu’un jeune banquier arrogant et excité. On en est là… Tout n’est donc pas joué pour Macron, ni pour sa rivale désignée. De son côté, il aura donc à cœur d’arrimer lui aussi les centristes à sa cause pour contrer Larcher à qui il compte bien faire payer les tourments de l’affaire Benalla ! Et pour fidéliser les centristes, il lui faudra alors ressortir ses cartes d’atout Bayrou et de Sarnez, quitte à libérer pour eux des postes de Ministres, voir plus à Matignon… Mais me direz-vous, il ne fera pas cela puisque Bayrou et de Sarnez sont impliqués dans l’affaire des emplois fictifs pour leurs attachés parlementaires !!! Il ne le peut pas ! Croyez-vous ? Monsieur Macron vient pourtant d’introniser Madame Le Pen comme sa rivale prédestinée et préférée dans le fauteuil du 2e tour de la prochaine élection présidentielle. Or celle-ci est mise en examen pour détournement de fonds publics dans l’affaire similaire des emplois fictifs du Parlement européen… La raison d’État impose tous les culots. Qui peut le plus peut donc le moins. Car la Loi de Jupiter à son tour sera « Touchez pas au grisbi ! ». Le Système a son nouveau Roi.

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