Un nouvel épisode du feuilleton de l’écotaxe, l’un des derniers très certainement, se joue avec l’appel d’offres lancé par le ministère de l’écologie pour le démontage des portiques. Au nombre de 172 (chiffres d’Ecomouv’, chargée à l’origine de la conception, la mise en place et la gestion de cette taxe), ils devaient servir à contrôler l’équipement des poids lourds susceptibles de payer une taxe sur les quelque 4 000 kilomètres de routes retenues dans le dispositif final de l’écotaxe, rebaptisée « péage de transit poids lourds », et présentée par la ministre de l’écologie, Ségolène Royal, en juillet 2014.
L’écotaxe, imaginée par le Grenelle de l’environnement en 2007, créée dans une belle unanimité politique en 2009, retardée moult fois, suspendue sine die à deux reprises, a en effet été reformatée et rebaptisée par Mme Royal en juillet pour être abandonnée définitivement fin octobre 2014. Ironie de l’histoire, le gouvernement cherche aujourd’hui une société pour détruire les portiques, alors que le démontage violent des mêmes portiques par les « bonnets rouges », en Bretagne, à l’automne 2013, avait entraîné la première suspension du dispositif de l’écotaxe.
L’appel d’offres, publié le 28 février dans le Bulletin officiel des annonces des marchés publics (BOAMP), « relatif à la dépose, au transport et au stockage des dispositifs mis en place dans le cadre du projet écotaxe », doit expirer le 30 avril à midi. Cela concerne notamment 160 portiques – les chiffres sont donnés par le ministère « à titre indicatif » –, 986 panneaux de signalisation, 718 000 boîtiers embarqués, mais aussi « la dépose et le transport du centre informatique » (770 serveurs et un « environnement téléphonique ad hoc »), situé à Metz, etc.
Démontage, stockage et destruction
L’avis de marché précise qu’en plus du stockage et de la destruction d’une partie du matériel, il conviendra à l’entreprise retenue de remettre en état les sites. Selon une source proche du dossier, le montant de quelque 12 000 euros par portique serait alors à majorer par ces coûts de réfection du terrain ainsi que par les frais de destruction. Dans l’ultime semaine de négociation entre Ecomouv’ et le ministère des transports, fin décembre 2014, les représentants du gouvernement ont demandé à Ecomouv’, le consortium franco-italien dont la société italienne Atlantia (ex-Autostrade per l’Italia) détient 70 % du capital, de démonter ses portiques. La société a bien sûr décliné, au vu du sort réservé au dispositif imaginé et installé pour ce même gouvernement. La somme globale de cette ultime opération d’élimination de toute trace du dispositif pourrait aisément dépasser les deux millions d’euros.
Cette somme ne représenterait alors qu’une infime partie du coût global de ce fiasco. L’Etat a en effet versé à Ecomouv’, le 2 mars, les 403 millions d’euros de montant des indemnitées prévues par le protocole d’accord trouvé entre les deux parties. Il doit aussi s’acquitter de la créance d’Ecomouv’ auprès des banques, soit près de 400 millions d’euros, une dette échelonnée jusqu’en 2024. La facture finale de l’écotaxe s’approche donc du milliard d’euros, un total qui ne prend pas en compte les sommes qui serviront à financer l’Association de financement des infrastructures de transport français (Afitf), en remplacement de l’argent que devait lui rapporter l’écotaxe. Dans sa version finale, celle-ci devait générer 600 millions de recettes par an, dont quelque 360 millions d’euros pour l’Afitf), 30 millions pour les collectivités territoriales, les 210 millions restant devant revenir à Ecomouv’ pour l’ensemble de sa prestation (installation, entretien et gestion de la taxe).
Lire : L’abandon de l’écotaxe coûtera près d’un milliard d’euros à l’Etat
« Sous cocon »
our le ministère de l’écologie qui, depuis l’arrivée de Ségolène Royal, n’a jamais caché son aversion pour ce dispositif de l’écotaxe, « la valeur du démontage se montrera inférieure à celle de l’usage du dispositif ». « Il est heureux qu’on démonte ces portiques, explique une source proche du dossier au ministère. Si on les avait laissés se dégrader, on nous aurait critiqué, le matériel informatique aurait pu être volé, il fallait qu’on mette le tout sous cocon. »
L’appel d’offres pour le démontage est donc une conclusion logique de ce dossier. L’écotaxe pourrait néanmoins survivre sous une version régionale, notamment en Alsace et en Lorraine, où les élus réclament l’application du principe « pollueur payeur », pour pénaliser les camions, principalement étrangers, qui préfèrent les axes routiers gratuits français, que les tronçons payants en Allemagne. Des scénarios alternatifs sont toujours à l’étude. « Il n’est pas affolant que l’on prenne six mois pour trouver des solutions alternatives quand on a mis six ans à construire l’écotaxe », indique-t-on au ministère.
L’histoire d’Ecomouv’ et de l ’écotaxe n’est pas pour autant terminée. Le volet social est loin d’être bouclé. Les 210 salariés de la société ont reçu, à la mi-avril, leur lettre de licenciement. Selon le plan social, qui n’a pas été avalisé par les syndicats de l’entreprise, un an de salaire devrait leur être versé et l’aide d’une cellule de reconversion est prévue. Un challenge difficile, notamment pour les 170 salariés à Metz. « Par contre, l’aide promise et annoncée à grands renforts de déclarations, tant par le chef de l’Etat, François Hollande, que par Ségolène Royal ou des membres du gouvernement, n’a jamais existé, témoigne une cadre de l’entreprise, élue non syndiquée au comité d’entreprise qui, en pleine recherche d’emploi, préfère rester anonyme. L’Etat français s’est moqué de nous. »
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