Les évêques de France s’inquiètent d’une volonté de « laïciser la société »

8 Déc 2015 | Revue-de-Presse | 0 commentaires

À l’occasion du 110e anniversaire de la loi de 1905 séparant les Églises et l’État, la Conférence des évêques de France publie un communiqué appelant à « garder l’esprit originel » de ce texte et à éviter « la stigmatisation des croyants ».
À deux jours du premier tour des élections régionales, les évêques de France ont saisi l’occasion de l’anniversaire, mercredi 9 décembre, de la loi de séparation des Églises et de l’État, pour alerter sur la volonté d’« un courant de pensée » d’étendre le champ de la laïcité à la société.
La loi de 1905 a été adoptée par l’Assemblée nationale le 9 décembre 1905, « dans un contexte de tension extrême entre l’Église catholique et la représentation nationale », rappellent les évêques de France dans un communiqué publié vendredi 4 décembre. Avant de se féliciter que « cent dix ans d’une mise en œuvre de cette loi dans un esprit d’apaisement, de sagesse et de conciliation ont permis de trouver de justes équilibres ».
La Conférence des évêques de France (CEF) tient d’ailleurs à rappeler que la loi de 1905 est avant tout « une loi voulant favoriser l’exercice des libertés ».
« D’une laïcité de l’État à une laïcisation de la société » Pourtant, c’est une inquiétude manifeste qui ressort de la suite du communiqué signé par Mgr Georges Pontier, archevêque de Marseille et président de la CEF. En effet, si « l’Église catholique (…) ne remet pas en cause cette loi (…), elle constate qu’un courant de pensée existe dans notre pays pour passer d’une laïcité de l’État à une laïcisation de la société », souligne l’archevêque.
« Certains voudraient que l’ensemble de la vie en société soit laïque et que les citoyens croyants n’expriment et ne vivent leur foi que dans un strict espace privé de plus en plus réduit, voire même caché », explique-t-il.
Si l’Association des Maires de France n’est pas citée directement, on devine que son vade-mecum sur la laïcité, rendu public quelques jours après les attentats du 13 novembre à Paris, n’est pas étranger à l’inquiétude qu’exprime l’Église de France. Ce document, d’ailleurs décrié par un certain nombre d’élus, incite notamment à une plus grande neutralité des maires, appelle de ses vœux une loi interdisant les crèches de Noël dans les mairies, et souhaite un contrôle plus strict des subventions accordées à l’occasion d’événements culturels rattachés à des traditions chrétiennes, comme les processions.
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Le texte avait déjà été critiqué directement par le cardinal André Vingt-Trois, qui estimait qu’il faisait de la laïcité « un système d’interdits », et par le porte-parole de la CEF, Mgr Olivier Ribadeau Dumas, qui l’avait jugé « suspicieux envers les religions ».
« La foi chrétienne promeut le dialogue » Mgr Pontier tient à rappeler et défendre « le rôle que l’Église a pris et prend dans des domaines essentiels de la vie de notre pays au cours de son histoire et encore maintenant », un rôle que « nul ne peut ignorer ou récuser », affirme-t-il listant « l’éducation, la santé, la culture, l’engagement social, le soutien familial, la présence auprès des jeunes ou la solidarité ».
« La foi chrétienne promeut le dialogue au sein de la société française », plaide-t-il encore. « On peut même penser qu’elle a contribué à la reconnaissance de la dignité de chaque personne humaine comme à celle du vivre ensemble dans une société devenue plurielle. »
Un rappel qui, à deux jours du premier tour des élections, sonne également comme une incitation à la vigilance s’adressant aussi bien aux candidats aussi bien qu’aux électeurs, en particulier dans la perspective d’une percée historique du Front national, lui-même partisan d’une laïcité des plus strictes.
« Évitons la stigmatisation des croyants » « Le contexte si particulier de notre pays aujourd’hui nécessite de demeurer vigilant dans l’exercice de la laïcité de l’État et dans le respect des convictions diverses des citoyens », avertissent les évêques de France. Les attentats du 13 novembre revendiqués par l’État islamique, qui ont fait 130 morts à Paris et au Stade de France, ont exacerbé en France un discours condamnant sans distinction les religions dans leur ensemble.
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Pour répondre à ce discours, les mots choisis sont forts, les évêques demandant d’éviter « la stigmatisation des croyants qui mène à une réduction croissante de leurs possibilités de vivre et de s’exprimer comme citoyens ». Et de prévenir?: « Croire que réduire leur expression au strict cadre de la vie privée favoriserait la paix sociale est une illusion et une erreur. »
Pour les évêques en effet, « cette attitude favorisera l’émergence de courants et d’attitudes fondamentalistes qui pourront s’appuyer sur le sentiment d’être méprisés, rejetés, ignorés ou incitera à se replier sur des formes de vie communautaristes ».
En conclusion, les évêques redisent leur certitude que la loi 1905 permet d’« imaginer et construire l’avenir de notre pays dans le respect de chacun, en reconnaissant l’apport de tous à la collectivité », à condition « qu’elle soit appliquée avec vigilance et respect ».

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