Un agriculteur condamné à dédommager ses voleurs

20 Déc 2015 | Revue-de-Presse | 0 commentaires

L’histoire fait partie de ces aberrations qu’on croirait sorties d’un bêtisier. Elle n’en est pas moins vraie. Elle se déroule au cœur du Béarn. À Labastide-Cézéracq, entre Pau et Lacq. En juillet dernier, un agriculteur du cru surprend un couple de voleurs qui, à l’aide d’un fourgon, lui « emprunte » du matériel. Bien entendu l’histoire ne dit rien du couple ni du fourgon. Blanc sans doute, comme toujours. Le fourgon, bien sûr. C’est encore la meilleure manière de passer inaperçu.

Echaudé – on le serait à moins – par le climat un peu lourd de l’été gascon tout autant que par les précédents « emprunts » dont il a fait l’objet, sans que le matériel soit jamais restitué, notre Béarnais au sang chaud a décidé de faire lui-même le travail qu’une gendarmerie en sous-effectif n’assure plus. Mettre hors d’état de nuire ses visiteurs. Pour cela, rien de tel que de supprimer l’outil nécessaire à leur coupable activité. À l’aide d’une pelleteuse à godet (engin peu délicat), il pousse le fourgon dans un ruisseau, le réduisant à un tas de tôle froissée. Du temps où on avait des lettres, on parlait de justice immanente.

Hélas, à l’époque de madame Taubira, les voleurs ne se cachent plus. Froissés par le sort réservé à leur outil de travail, et sans crainte de la taule, ils déposent plainte pour dégradation volontaire. Poursuivis – quand même – pour vol, ils se constituent partie civile à l’audience et réclament des dommages intérêts. Le 2 décembre dernier, l’agriculteur a été condamné à 3.000 euros d’amende avec sursis tandis que les deux voleurs ont écopé de 70 heures de travail pour la femme et de trois mois de prison ferme pour l’homme. Puis, statuant sur intérêts civils, le tribunal a rendu un second jugement le 16 décembre, condamnant l’agriculteur à payer à la femme du couple 1.500 euros pour préjudice matériel car elle était propriétaire du fourgon, 500 euros pour préjudice moral – on reste calme – et 400 euros pour sa « perte de chance à caractère professionnel ». En effet, la destruction du fourgon l’empêche désormais de faire le tour des exploitations agricoles locales pour y récupérer des objets qui traînent et n’appartiennent à personne.

Juridiquement, la décision se conçoit. Reste que le droit, ici, s’applique avec une rigoureuse asymétrie. La condamnation à trois mois de prison pour l’homme signifie qu’il a déjà un casier judiciaire bien chargé : aucun tribunal ne prononce ce genre de condamnation – considérée comme lourde, même si le Code pénal prévoit une peine maximale de 3 ans – pour le vol d’un peu de matériel agricole valorisé 440 € si le prévenu ne peut se prévaloir d’un joli palmarès de délinquant. Face à ce délinquant en fourgon blanc, un agriculteur qui se fait justice soi-même – certes de manière vigoureuse – mais sans causer ni mort ni blessé. Si la gendarmerie était intervenue, le tribunal aurait pu prononcer la confiscation du véhicule à titre de peine accessoire. Dans ce cas, la femme du couple aurait aussi perdu une chance professionnelle, en toute légalité.

Reste que, dans le climat actuel de notre pays, une telle décision est une incitation à recommencer. Les délinquants, qui peuvent désormais espérer se faire indemniser des risques du métier, n’auront plus qu’à déposer plainte pour se faire rembourser leur matériel professionnel endommagé. Pour renouveler leurs outils obsolètes, rien de tel que de voler une poule de batterie. À 5 € la bestiole, cela ne fait pas cher payé pour se faire financer un investissement rentable. Au prix des outils, voilà un excellent moyen d’aider les délinquants en difficulté financière.

Quant aux agriculteurs, nul ne doute qu’ils tireront les leçons de cette histoire. Dont la principale est qu’ils peuvent se faire justice eux-mêmes, à condition de ne pas se faire prendre. Et cette histoire se passe en France, dans un pays qui se targue d’être un État de droit.

Source : http://www.bvoltaire.fr

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