Débâcle de la droite: pourquoi le diagnostic d’Henri Guaino est juste

13 Juin 2017 | Revue-de-Presse | 0 commentaires

Henri Guaino a choqué en livrant au soir des législatives une vision apocalyptique de l’état de la droite française, de ses élus et de ses électeurs. Au-delà de la forme, il est aussi possible de considérer que l’ancien conseiller de Séguin et Sarkozy pose les vraies questions sur l’état de la droite.
 
L’ACTU EN DI ENTREPR  

Henri Guaino a déclaré après son échec aux législatives : « l’électorat qui a voté aujourd’hui dans la 2e circonscription de Paris est, à mes yeux, à vomir. Vous m’entendez bien, à vomir ». 

 
©Capture d’écran/ France Info

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Ils se gaussent d’Henri Guaino, et ils ont tort. En prenant congé de la vie politique, l’ancien député des Yvelines, candidat dans la circonscrption de Nathalie Kosciusko-Morizet, a sans doute dit à la droite française la réalité de sa situation politique. Elle est vide. Vide de talents, de projets et de personnalités… Vide de sens et d’essence.

Cette droite malade d’elle-même et ignorante de son état ne pouvait qu’être achevée par un Emmanuel Macron qui, mieux que Nicolas Sarkozy, Alain Juppé, François Fillon, NKM, Jean-François Copé et les autres a perçu que le grand clivage encore invisible aux yeux des profanes, qui la tenaillait en ses profondeurs.

La droite était fragile et elle se pensait colosse, attendant de relever sans effort le pouvoir tombé depuis longtemps des mains de François Hollande. le grand parti dit Les Républicains se mourait, comme le Parti socialiste, mais se pensait encore invincible. Il aura suffi d’un Fillon, et d’un Macron, pour le mener droit au cimetière des grands partis, entre le MRP, le Parti Radical, le RPF et la SFIO. Aux côtés du frère miroir de la gauche, le Parti socialiste.

 

Donc, on ne se moque pas de Guaino, on oublie sa colère, qui masque le message, et l’on reprend ce qu’il a dit, dimanche soir, autour de minuit, au sujet de sa campagne, de la droite, de LR, des militants, sympathisants et électeurs d’une formation qui ne pouvait pas perdre, en septembre dernier, les élections présidentielles et législatives.

De la droite, Guaino dit ceci: « L’électorat qui a voté aujourd’hui dans la 2e circonscription de Paris est, à mes yeux, à vomir. Vous m’entendez bien, à vomir ». Et il catégorise les raisons de sa répulsion: « Entre les bobos d’un côté, qui sont dans l’entre-soi de leur égoïsme », « il y a cette espèce de bourgeoisie traditionnelle de droite. Celle qui va à la messe, qui amène ses enfants au catéchisme et qui après vote pour un type qui pendant trente ans s’est arrangé, a triché par tous les moyens ».

Et de conclure que cette droite, à la fin des fins, est « un peu pétainiste, vous savez, tous ces gens qui ont voté à la primaire de la droite… ».
Des bobos, des cathos tous un peu pétainistes? 

Oublions la forme, l’emportement, la provocation, et osons poser la question: le diagnostic d’Henri Guaino est-il faux? Et mieux encore, se peut-il qu’il soit juste.

 

« Les bobos de l’entre soi » ne sont-ils pas sans évoquer ces responsables, sympathisants, militants et sympathisants qui ont décidé, quitte à perdre la présidentielle et les législatives, de raccrocher leurs pauvres wagons au train Macron? Que penser par exemple, de ces députés LR qui vont se faire élire, dimanche prochain, dans la plus grande ambiguïté et qui lundi, et seulement lundi, diront seulement s’ils sont membres de la majorité présidentielle ou non? Quel est le sens de la candidature, dans le 18e arrondissement de Paris, Pierre-Yves Bournazel, LR, soutenu par le Premier ministre, tandis que le président, lui, soutient la socialiste Myriam El-Khomri? Bournazel, majorité ou opposition LR?

Quant à la charge contre la bourgeoisie traditionnelle, qui va à la messe, défile avec la Manif pour tous et finit par voter Fillon contre les valeurs chrétiennes qu’elle prétend incarner, Henri Guaino ne vise-t-il pas juste en disant tout haut ce qu’il pense tout bas depuis des mois? En décembre dernier déjà, il glissait à des journalistes que cette forme de bourgeoisie propre à la droite française était digne de « la France qui est allée à Vichy ». Non pas qu’elle soit pétainiste, mais parce que capable de se raccrocher au pétainisme quand ses intérêts de classe, économiques ou culturels, sont en jeu.

Au fond, que signifie Henri Guaino? Que la droite française a renoncé définitivement au surmoi gaulliste et que les échéances électorales de ce printemps 2017 actent ce renoncement de manière définitive. La droite d’après ne sera ni gaulliste ni gaullienne, elle est désormais rendue à elle-même, partagée entre opportunismes de tous acabits. Pétainiste en ce que ses diverses formes sont prêts à tous les accommodements et arrangements au nom de l’idée qu’elles se font de leurs intérêts immédiats.
Une cohorte de syndicats d’intérêts

C’est une ontologie. Privée de surmoi gaulliste, la droite vit de peu d’ambition, et surtout, elle perd le sens du peuple. Elle ne rassemble plus, puisqu’elle n’est plus qu’une cohorte de syndicats d’intérêts. Elle clive. Elle divise. Elle n’est plus qu’argent et privilèges. Dans la France d’aujourd’hui, ce n’est guère tendance. Au fond, par-delà les formes brutales, Henri Guaino formule le même diagnostic que François Mitterrand en sont temps: « Ces gens-là sont capables de tout, et croyez-moi, je sais de quoi je parle, je viens de chez eux ».

Donc, voilà Les Républicains rendus à leur triste réalité. Plus habile qu’eux, l’homme d’En marche a repris le concept gaulliste du dépassement à leur détriment. L’inconscient « dégaullisé », vampirisé par Macron, dont ils sont le jouet depuis des mois, ils errent sur la scène publique sans donner le sentiment de comprendre le sens et la portée de la crise qu’ils traversent. Le pire étant qu’ils ne semblent pas comprendre la cause du mal qui les a précipités dans l’abîme électoral. Ils en sont encore à considérer leur situation en termes tactiques, façon Laurent Wauquiez.

On ne sort pas d’une décennie de triangulations sarkozystes sans peine ni dommage.

Les questions demeurent, toujours les mêmes. Et toujours à côté de la réalité de l’opinion française. Loin du verdict des urnes. Faut-il tendre la main au Front national? Faut-il persister dans le zemmourisme identitaire? Faut-il demeurer la succursale des valeurs post-maréchalistes de la Manif pour tous? A toutes ces questions, les élections de ce printemps ont apporté une réponse simple: non. Mais cela ne suffit pas à la droite en mode Les Républicains, qui continue de s’interroger sans se poser la bonne question: n’est-il pas temps de faire un effort pour (re)devenir gaullien?

Les Républicains, quelle identité? Interrogation et ironie pour un parti, Les Républicains, qui toise avec suspicion l’identité des uns et des autres mais ne se rend pas compte qu’il est lui-même malade de son identité. Le fait est qu’au bout du compte, insensible à ses propres maux, la droite française vient de subir la pire déroute de son histoire, inventée et infligée par un jeune Octave de la Ve République: un authentique nouveau Mai 58 en somme, mais à l’envers.

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