Harcèlement de rue : les racailles sont le problème 13 Mars 2018,

14 Mar 2018 | Revue-de-Presse | 0 commentaires

« Les forces de l’ordre pourront désormais verbaliser le harcèlement de rue », a récemment annoncé la secrétaire d’Etat aux droits des femmes. Amusant, quand on sait que souvent les forces de l’ordre arrêtent des mecs pour des violences graves et sont écœurés de constater qu’il n’iront pas en prison. Amusant, quand on se souvient qu’en décembre une policière a été lynchée au sol par une foule de racailles sans que ses collègues ne puissent faire usage de leur arme. Amusant, quand on sait le nombre de caillassages de policiers et pompiers qui restent impunis.

Les principaux responsables de l’angoisse des femmes dans la rue sont les racailles, qui ne sont pas juste machistes, mais violents physiquement. Ils cumulent les transgressions. Tout dans leur langage et attitude nous rappelle que la moindre micro-conversation peut dégénérer en agression en un instant.

Si on sursaute pour un « hé mademoiselle », ce n’est pas parce qu’on a peur d’être appelée mademoiselle. C’est parce que le type qui nous dit ça est capable de péter les plombs sur nous, de nous frapper, de nous cracher dessus et de nous coincer avec ses potes si notre réponse ne lui plaît pas.

Ceux qui traitent de putes les femmes dans la rue, ce sont ceux qui zonent, qui trafiquent, qui tabassent des mecs « pour un mauvais regard », qui sortent le couteau « pour une cigarette », qui arrachent le sac des passantes. Ce sont ceux qui mettent un point d’honneur à ne jamais se décaler d’un centimètre quand une femme essaye de passer. Ce sont ceux qui bloquent le trottoir en groupe de huit et te lâchent un « zebi » (littéralement, « ma bite » en arabe), si tu leur demandes poliment de pouvoir passer avec ta valise à roulettes. Ce sont ceux que les femmes qui racontent leur agression appellent « des jeunes », même s’ils ont quarante piges, car si elles osent les nommer autrement, elles seront illico culpabilisées, suspectées, sommées de se justifier. Ce sont eux et leurs potes. Et chacun de ces types emmerde à lui tout seul une bonne centaine de femmes par an. Ils ne se cachent même pas. Tout le monde connaît ces mecs.

Tant que des types prendront 4 mois de sursis pour un tabassage, tant qu’on relâchera des agresseurs à la moitié de leur peine, aucun politique ne pourra dire qu’il lutte sérieusement pour la sécurité des femmes.

Ces mecs-là se foutent des amendes, ils sont insolvables. Marlène Schiappa veut les envoyer faire « un stage citoyen ». Leur seule réponse sera un « J’men bats les couilles wesh », ou autre fanfaronnade du même tonneau. Un homme qui a déjà échappé à la prison après un vol avec violence, qui pendant son adolescence gloussait en voyant ses potes délinquants sortir du commissariat libres comme des papillons, pensez-vous vraiment qu’il écoutera les leçons de citoyenneté d’une intervenante associative ?

La focalisation sexuelle empêche de traiter le problème. Plus de 90 % des agresseurs sont de sexe masculin mais ce ne sont pas « les hommes » le problème. La majorité des violences aux personnes est commise par une minorité de personnes. La majorité des agressions est commise sur des hommes. C’est une minorité de déviants identifiés, impunis, qui s’en prend aux femmes et aux hommes dans l’espace public. Vous savez, les fameux « connus des services de police » qui s’en sortent comme des fleurs presque à chaque fois. Le mec qui te traite de « grosse salope » ou de « kehba » quand tu ne réponds pas à son compliment, c’est aussi le mec qui met une balayette à ton petit frère de 14 ans pour lui piquer son portable.

On pourra m’objecter que les « racailles » ne sont pas les seuls auteurs de violences sexistes ou de harcèlement. C’est vrai. Il existe par exemple une part non-négligeable de harceleurs appartenant aux classes dominantes de la société, dont l’excellente maîtrise des normes sociales leur permet justement de harceler en toute impunité, de ruiner la réputation des plaignantes, de répondre pile comme il faut aux questions des policiers, de trouver de bons avocats. Mais l’existence de harceleurs cachés ne justifie en rien que l’on ferme les yeux sur la masse de harceleurs qui étalent leur agressivité envers les femmes de manière publique, assumée et bruyante.

La diversité des profils d’agresseurs et harceleurs ne signifie pas l’absence de profils. Distinguer divers profils d’agresseurs, de modes opératoires, de lieux, c’est précisément cela qui permet d’enrayer un phénomène sous ses formes les plus diverses. En matière de harcèlement de rue, le problème, ce sont les racailles, point.

On notera au passage que la phrase « Il n’y a pas d’agresseur-type! », les féministes institutionnelles la jettent toujours au visage de la femme qui se plaint d’avoir été agressée par des racailles, jamais à celle qui dénonce des violences commises par un « dominant ». Personne ne prétend qu’il existe un seul profil d’agresseur ou de harceleur, personne. Quand on martèle à une femme qu’« il n’y a pas d’agresseur-type », c’est pour la rappeler à l’ordre, c’est parce qu’on a la trouille qu’elle parle un peu trop librement.

Une femme victime d’agression subit systématiquement des pressions féministes à ne surtout pas décrire son agresseur : au nom du « pas d’amalgame » entre une agression et une communauté, elle est sommée de faire l’amalgame entre son agresseur et 100% des hommes. Toute femme coupable d’un vilain amalgame en public sera systématiquement rappelée à l’ordre. Celles qui amalgament l’ensemble des hommes à des porcs seront en revanche applaudies.

our vous donner une idée du niveau d’omerta féministe auquel nous sommes rendus, le collectif « Paye ta shneck », principale plateforme de témoignages de harcèlement de rue en France, censure systématiquement les témoignages de femmes contenant des mots tels que « kehba », « wallah », « kehba » ou « zebi« . La plupart des femmes qui me contactent pour me relater leur expérience du harcèlement de rue ou d’agressions ont peur d’être socialement rejetées si je publie leur témoignage. Elles sont des dizaines, alors que Bellica est un site très récent, qui reste assez confidentiel. Au même moment, les féministes institutionnelles parlent de « libérer la parole des femmes ». Tout le monde sait qui harcèle les femmes dans la rue, mais il n’y a pas de « Me Too » pour les victimes des racailles.

Les femmes victimes sont sommées de « ne pas stigmatiser » les racailles pour « ne pas en rajouter », puisque ces messieurs font partie des « dominés » de la société. C’est oublier que les rapports de domination varient selon les échelles géographiques. Un homme « dominé » à l’échelle de la société se retrouve, de facto, « dominant », quand il coince avec ses copains une nana dans un wagon de RER pour lui faire passer un sale quart d’heure. Contrairement à ce qu’affirme le credo féministe intersectionnel, une femme « non-racisée » de la classe moyenne diplômée n’est pas « une dominante » quand elle est encerclée par 5 mecs agressifs.

Le « harcèlement de rue » est principalement commis par des racailles et on ne rendra pas les rues sûres pour les femmes tant que l’on ne s’attaquera pas au phénomène racaille. Il suffit en large part d’appliquer les lois qui existent déjà et de cesser les expérimentations pédagogiques farfelues en matière « d’aménagements de peine », perçues par les racailles comme rien d’autre que des marques de faiblesse occidentale.

Les hommes sont les cibles majoritaires d’agressions mais les femmes sont davantage confrontées aux insultes et menaces au quotidien que les hommes. Autrement dit, statistiquement, les hommes sont davantage agressés, les femmes sont davantage renvoyées à la possibilité d’une agression. Le projet de verbalisation du harcèlement de rue aura sans doute des effets aussi nuls qu’en Belgique, où seules 3 plaintes de ce type sont déposées par an. La verbalisation donne une illusion de réaction politique et sert de cache-sexe à un océan de renoncements politiques en matière de sécurité. Elle entretient un climat de suspicion générale entre les femmes et les hommes, là où précisément, c’est une affaire d’hommes autant que de femmes.

Lutter contre le harcèlement de rue passe nécessairement par la libération de la parole, le droit de décrire son agresseur sans craindre de subir les foudres du politiquement correct et par l’application réelle des peines envers les auteurs de violences, de manière à briser le sentiment d’impunité qui est la racine de leurs comportements déviants envers les femmes dans l’espace public.

En 2018, une femme harcelée dans la rue ou les transports subit un double harcèlement. Le harcèlement sur le moment, par une racaille, puis le lynchage social, dans son entourage ou sur les réseaux sociaux, si jamais elle ose décrire son agresseur un peu trop précisément.

Il est temps de mettre fin à ces menaces de mort sociale.

Solveig Mineo

Source : http://bellica.fr

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